Le vote des femmes en Berry
Article mis en ligne le 9 avril 2017
dernière modification le 16 mai 2023

par Yannick
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En cette année 2007, où les candidats et les candidates s’affrontent pour l’élection au suffrage universel d’un Président de la République ; il nous paraît nécessaire de faire un retour sur l’histoire afin de découvrir la lutte que les femmes françaises ont dû mener pour obtenir leurs droits à l’éducation et à leurs droits politiques.

Alors que le droit de vote des hommes remonte à 1848 ; les femmes n’obtiendront ce droit qu’en 1944 ; bien longtemps après la Suède, la Finlande, la Nouvelle Zélande, l’Australie, la Norvège et une douzaine d’états aux USA qui l’accordèrent 1935.

PROUDHON (théoricien français du fédéralisme – 1809-1865) affirmait que la femme ne valait pas les 8/27 de l’homme. Quelques décennies plus tard, NIETZSCHE (philosophe allemand 1844-1900) déclarait « faire erreur sur le problème fondamental, celui de l’homme et de la femme, nier l’abîme qui les sépare et la nécessité d’un antagonisme irréductible, rêver qu’il puisse avoir des droits égaux, une éducation identique, les mêmes prétentions et les mêmes devoirs, c’est un signe infaillible de platitude d’esprit. »

Le chemin de l’émancipation des femmes fut long et difficile pour obtenir leurs droits civiques et politiques.

Le Berry entrera dans cette bataille le 1er février 1913. Louis BOUJEAU, avocat à la Cour d’Appel de Paris, rédacteur en chef du journal « LE BERRY » publie à la une , un article argumentant sur le vote des femmes.

L’auteur dresse d’abord un constat. Pour lui, trois catégories de femmes existent : les mondaines, les prostituées et les épouses. Si les deux premières sont des êtres de charme et de plaisir uniquement ; à la troisième incombe la noble mission de donner au foyer l’ambiance qui fait la vie de famille. Louis BOUJEAU s’aventure ensuite sur les qualités naturelles de la femme : instinct, bon sens, grâce, finesse, élan, oubliant au passage un conditionnement patiemment transmis de génération en génération. La femme est maîtresse de maison et l’homme lui assure gite et couvert par son travail hors du foyer.

Dans son numéro du 15 mars 1913, LE BERRY insère une réponse à cet article rédigé par une suffragette d’instruction primaire et qui réside près de REUILLY dans l’Indre. Elle rappelle que les Dieux n’ont créé que deux choses parfaites : les femmes et les roses. Puis elle recherche les motifs avancés pour refuser le vote des femmes : « pour les écarter de la vie politique note-t-elle, on invoque leur abstention au service militaire » ; alors elle s’enflamme et invoque la mortalité des femmes en couches et de conclure « si le soldat est sur le champ de bataille à exposer et risquer sa vie pour la défense de la patrie ; sa mère n’a-t-elle pas risqué la sienne pour lui donner le jour ». Poursuivant le panégyrique de la femme, elle brocarde les mauvaises épouses dont les maris désertent le foyer pour hanter cabarets et lieux mal famés. Une manière certes d’exalter le rôle social des femmes … mais aussi de minimiser la responsabilité des hommes. Elle se préoccupe ensuite du sort des maris relégués au rôle de bonnes d’enfants pendant que leurs épouses se consacrent à des activités politiques. Et elle conclura : « Comment une République dont l’emblème est une statue de femme peut-elle être dirigé par un homme ? »

Ces revendications font pleuvoir une avalanche de courrier au siège du journal.

Une autre berrichonne de la région de la Châtre rétorque que dans leur grande majorité les femmes ne souhaitent pas voter. Elles ont déjà bien assez d’ouvrage, et elle estime que les féministes ne représentent qu’une minorité, ayant manqué leur vie, elles cherchent à faire parler d’elles. Si la femme est aussi intelligente que l’homme, il est impensable qu’elle soit dotée du même cerveau. Et puis, l’homme au foyer ? Quoi de plus ridicule. Cette inversion des rôles, qu’elle humiliation pour le mâle et quelle tristesse pour le foyer.

L’interlocuteur suivant est un Berruyer. S’il condamne le « féminisme intégral », il nuance son propos, estimant qu’il serait normal de consulter les femmes par référendum pour toutes les questions touchant des fléaux sociaux, la protection de la maternité et de l’enfance, des lois sociales et les salaires féminins. En revanche, pas questions de leur accorder le vote strictement politique. D’ailleurs, jamais au grand jamais, les femmes n’ont été mises au monde pour ce rôle. Les passions politiques sont trop violentes pour elles. Restez plutôt au foyer, à la place que Dieu vous a assignée en vous mettant sur terre près de nous, pour nous soutenir et nous aimer.

Une autre Berrichonne de l’Indre succède au Berruyer et déclare : « quel spectacle navrant pour elle de voir son cher et vieux pays contaminé par le féminisme. Toutes ces suffragettes sont grotesques : ce sont des détraquées, des névrosées soupire-t-elle ; que deviendrait l’Amour ? Cette lectrice cultivée souhaite l’indépendance de la femme à qui une éducation éclairée permet d’exercer des professions naguère inaccessibles : comme le barreau, les arts ou la médecine. Mais viscéralement elle reste opposée au vote des femmes.

Et pour cette Berrichonne, le vote des femmes n’est qu’une manifestation des extravagances féminines au même titre que le sport de défense ou … la jupe culotte !

Plus d’un siècle de luttes féministes

La prise de conscience bien lente remonte au Moyen Age. Par leur non-conformisme, quelques femmes s’affranchissent des lois et des coutumes. Plus tard, quelques unes participent au grand courant de la Renaissance et de l’Humanisme. Le sentiment d’une liberté nouvelle s’enracine peu à peu dans certains esprits. Mais c’est avec la Révolution que les femmes osent franchir le pas décisif. Elles rédigent un cahier de doléances, adressent des pétitions au Roi et créent les premiers clubs féminins. Mais en 1793, la Convention interdit ces clubs.

Une autre femme engagera la lutte au début du XIX siècle en affirmant que l’homme le plus opprimé peut encore opprimer un être « sa femme ».

Un autre courant demande l’émancipation de la femme : Le Saint Simonisme qui réclame son égalité politique et juridique. Dès lors on réclame ouvertement le vote des femmes.

La lutte reprend avec la Révolution de 1848, les femmes fondent des journaux et créent des Clubs. Les « Vésuviennes » envisagent même le service militaire pour les femmes. Croyant George Sand acquise à leur cause, les féministes socialistes posent alors sa candidature pour les élections législatives. Refus de George Sand qui adresse une lettre hautaine et blessante à celles qui ont osé se servir de son nom.

Lorsqu’à Paris en 1871, se déchaîne l’insurrection de la Commune, les femmes se battent aux des hommes sur les barricades.

En 1861, Julie DAMBIE est la première femme à obtenir le baccalauréat de l’enseignement secondaire. En 1908 une autre femme Madeleine BRES exerce la médecine pour la première fois en France.

Au début du XX siècle, plusieurs femmes s’illustrent dans les arts, la littérature et les sciences. Marie CURIE est couronnée à deux reprises par le prix Nobel en 1903 et 1911.

L’émancipation de la femme franchit une nouvelle étape pendant la guerre 1914-1918. Aux champs comme dans les usines, les femmes remplacent les hommes partis au front.

En 1919, la Chambre des Députés accorde aux femmes l’intégralité de leurs droits politiques par 329 voix contre 95 ! Reste à obtenir l’accord du Sénat pour valider la loi. Les sénateurs retarderont la discussion jusqu’en 1922, pour en définitive repousser la proposition.

En 1932, le Sénat revoit la question pour la troisième fois et l’année suivante donne la priorité à une discussion sur … la tuberculose bovine !

Même le gouvernement du Front Populaire en 1936 tergiverse devant le vote des femmes. Et pour donner le change trois femmes dont Irène Joliot-Curie sont nommées sous-secrétaires d’Etat dans le Ministère de Léon Blum.

Mais les féministes ne désarment pas. Louise WEISSE à la tête du Mouvement de la Femme Nouvelle multiplie les actions de rue spectaculaires, allant même jusqu’à enchaîner aux grilles du Sénat.

Edmée de la ROCHEFOUCAULT, présidente l’Union nationale pour le vote des femmes, crée une centaine de comités actifs dans toute la France.

Finalement par l’ordonnance du 21 avril 1944, le gouvernement provisoire du Général de Gaulle accorde le droit de vote aux femmes, et elles participeront pour la toute première fois aux élections municipales du 29 avril 1945. Aux consultations suivantes organisées la même année, trente neuf femmes sont élues dans les conseils généraux et trente-trois deviennent députés.

Quelques dates jalonnent l’accession des femmes aux plus hautes responsabilités politiques. La première femme Ministre est nommée en 1947. Il faut attendre 1974 pour voir la création d’un Secrétariat d’Etat à la condition féminine et puis, peu à peu une femme Ministre, puis Premier Ministre voire candidate à la Présidence de la République.

Que de persévérance et de chemin parcouru !

G. CLÉMENT
Union Berrichonne du Loiret

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