La bisquine
Article mis en ligne le 21 août 2023

par Eric
Noter cet article :
0 vote

Au début du siècle, ce bateau mesurait un peu plus de 18 mètres de coque, et disposait de 340 mètres carrés de toile… Et il faut encore lui ajouter, devant, un interminable bout-dehors de 9 mètres et, derrière, une queue-de-malet de 4 mètres ! Au-dessus du pont, la démesure est également de mise : les trois mâts portent jusqu’à trois étages de voiles. Pas de doute, la bisquine est et restera comme le plus beau, le plus toilé, le plus puissant voilier de travail des côtes normandes.

Née au début du XIXe siècle dans le golfe de Gascogne – ou golfe de Biscaye -, la « biscayenne » des pêcheurs basques est pointue aux deux extrémités. Ce type de voilier essaime peu à peu le long de la côte Atlantique, évoluant au fil du temps et des caractéristiques locales. De biscayenne à bisquine il n’y a qu’un pas que les normands ont vite franchi pour nommer ce bateau.

JPEG - 32.7 kio

C’est dans la baie du Mont-Saint-Michel, entre 1890 et 1930, que les constructeurs vont lui donner ses lettres de noblesse. Il est vrai que, pour pêcher dans un coin aux conditions de mer si particulières, avec les plus grandes marées d’Europe entraînant des courants parfois violents, il faut un voilier fin et rapide, bon manœuvrier, gagnant bien dans le vent.

Les constructeurs de Granville et de Cancale s’emploient à améliorer le type initial. Les formes avant s’affinent, le tirant d’eau augmente, la voûte arrière s’allonge, rasante, magnifique. Vers 1900, la bisquine est à son apogée…

Il faut aller vite parce que les périodes de pêche – huîtres et coquilles Saint-Jacques notamment – sont strictement réglementées et surveillées. Il faut aller vite également, pour être le premier à arriver sur les lieux de pêche, puis le premier à rentrer au port pour vendre sa prise. Il faut aller vite, enfin, parce que les régates locales sont un rendez-vous annuel obligé, un motif de fierté et de discorde entre les Bretons de Cancale et les Normands de Granville.

Il faut de la puissance parce que, utilisées au chalut, à la ligne ou à la drague, les bisquines encaissent des efforts colossaux… Pour atteindre cette nécessaire puissance, il faut un gréement à la hauteur. Les bisquines portent donc sept à huit voiles au tiers plus un foc sur trois mâts. Ces mâts, sans étais, sont simplement maintenus par deux « bastaques », une sur chaque bord, et le grand mât est fortement inclinés sur l’arrière.

Les voiles sont délicates à régler, mais primordiales, expliquent les anciens. Pas étonnant qu’aujourd’hui encore, cette impressionnante envergure de neuf voiles fasse s’envoler l’imaginaire et les rêves…

JPEG - 37.5 kio

Les premières régates officielles datent de 1845,mais il faut attendre 1895 pour qu’elles entrent dans leur âge d’or – qui durera jusqu’en 1914. Les courses ont lieu l’été, devant Saint-Malo, Cancale et Granville.

Quelques jours avant, les bateaux sont tirés au sec, carénés, passés au coaltar et suiffés. Les voiles qui ne servent qu’en course sont sorties des greniers et soigneusement vérifiées… Une fois le départ donné, la lutte est impitoyable et le spectacle fabuleux. Il n’est pas rare de voir deux bateaux bord à bord avec des équipages qui s’injurient et en viennent aux mains une fois rentrés à quai.

Il est tout à l’honneur des Cancalais et Granvillais de n’avoir pas, aujourd’hui, poussé le vice de la reconstitution jusqu’à conserver ces rudes coutumes…

qrcode:[La bisquine->https://www.maisondesprovinces.fr/spip.php?article832&lang=fr]

qrcode:https://www.maisondesprovinces.fr/spip.php?article832

Recommander cette page





Dans la même rubrique

Normandie, assemblée 2023
le 6 mars 2023
par Eric
La foire aux harengs de Lieurey
le 18 novembre 2022
par Eric
Assemblée générale de l’Union Normande
le 27 février 2022
par Eric
L’armoire normande
le 20 juillet 2020
par Yannick
Erik Satie
le 25 janvier 2020
par Eric