A Cravant, petite commune d’un peu plus d’un millier d’âmes et située à moins de 30 kilomètres à vol d’oiseau d’Orléans, une situation dramatique se profile, ce soir du 2 juillet 1905. Un orage, apparu vers 20 h 30, s’est mué, près de 25 minutes plus tard, en un redoutable et effrayant cyclone dévastant tout sur son passage.

Dans son édition du vendredi 7 juillet, le Journal du Loiret rend compte de cet épisode météorologique rarissime, dont il a reconstitué le déroulement en interrogeant la population hébétée.

« À neuf heures moins sept minutes, l’ouragan se déchaîna, impitoyable, saccageant tout, culbutant tout, démolissant tout. Un grand silence, puis des clameurs, des cris d’épouvante, et ce qui était, il y avait une minute à peine, le bourg de Cravant n’existait plus. Le cyclone avait duré trente secondes. Ce fut bientôt un affolement général. Les gens sortaient avec la hâte que l’on a de constater les ravages d’une catastrophe à laquelle on vient heureusement d’échapper. Des maisons finissaient de s’écrouler et il se répandait dans l’air comme une odeur d’incendie… »

Le cyclone s’est formé au hameau de Cernay, distant de deux kilomètres du bourg, et s’est ensuite abattu sur le village, épargnant l’église et la mairie. Le souvenir de la guerre de 1870 est bien évidemment encore présent dans toutes les mémoires. Et la première image qui vient à l’esprit des habitants hagards est celle d’un combat terrible, au fort duquel la mitraille et la canonnade ont fait rage".

Le Journal donne le ton : « L’aspect qu’offraient Cravant et Cernay était bien celui de deux villages bombardés, à considérer les maisons sans toit, les murailles démolies ou largement trouées, les jardins sans arbres, les blés couchés, la jonchée de pierres, de poutres, de tuiles et de débris de toutes sortes. »

On constate, dans les habitations, que les aiguilles des horloges se sont mystérieusement figées, quelques minutes avant 21 heures. Ici, l’eau d’une mare s’est volatilisée. Là, une grange a été rasée. Ailleurs, c’est un réverbère qui gît à 50 mètres de son emplacement.

Des bâtiments agricoles ont également été touchés et plusieurs cultivateurs constatent, dépités, le décès de leurs vaches et de volailles.

Par miracle, on ne déplore aucun mort, et seules trois personnes sont blessées.

Partout, la solidarité s’organise. Le Journal du Loiret est le premier, dans son édition du 8 juillet, à lancer une souscription, et verse 50 francs. Il est imité, le jour même, par le marquis de Saint-¬Paul. Les jours qui suivent, le quotidien publie l’avancement de cet appel aux dons que relayent des anonymes et des associations. À la mi-août, la somme atteindra 1.847,80 francs.

Cet événement climatique exceptionnel attire un ou deux photographes qui viennent immortaliser les façades déchiquetées des habitations meurtries. Les victimes posent volontiers devant l’objectif.

En attendant, tout est à reconstruire et le 12 juillet, le maire de Cravant, Ariste Moreau, en appelle à la générosité des populations voisines, dans un courrier qu’il adresse aux maires du Loiret. « Les pertes en bâtiments s’élèveront à plus de 350.000 francs. Il est à craindre que les compagnies d’assurance ne veuillent pas indemniser suffisamment les victimes de ce sinistre, dont les causes sont difficiles à établir », pronostique l’élu. L’appel est entendu, et des souscriptions permettront de réunir les fonds nécessaires pour venir en aide à ceux qui ont tout perdu.